ETHIQUE et DEONTOLOGIE

 

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UNR - PACA

Master 1 - GESS - 2008
1 - TEXTES
R. Misrahi : Spinoza
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  • L'Ethique et le Marquis de Sade :

"Le Dieu des religions n’est qu’une invention des politiques pour mieux discipliner les peuples par la peur des enfers ; rien n’existe que la nature, la matière porte en elle la source de ses propres mouvements, elle n’a pas besoin d’un agent extérieur qui lui servirait de moteur.

Aucun geste meurtrier ne peut être condamné : la mort ( dont le meurtre n’est que la provocation anticipée) est dans l’ordre du monde, elle fait partie de l’économie vitale. Sans la mort, aucune génération ne serait possible.
Seul l’orgueil humain peut penser l’homicide comme un mal absolu. Les animaux se tuent entre eux ; l’homme tue les animaux, l’homme est un animal comme les autres. Le meurtre n’est pas un crime aux yeux de la nature, le meurtre est sa loi «  quand l’homme se livre à l’homicide, c’est une impulsion naturelle qui le pousse, l’homme qui détruit son semblable est à la nature comme ce que lui sont la peste et la famine. »

Le monde  est divisé entre dominés et dominants et les victimes du moment sont insignifiantes aux yeux des vainqueurs. L’indifférence et le mépris trouvent leurs fondements dans la dissymétrie de la sensibilité : le mal que ressent la victime n’est pas ressenti comme un  mal par celui qui la martyrise ; il se peut même qu’il en éprouve un vif plaisir. L’égoïsme est inscrit comme destin dans la sensibilité qui nous rend affectables de plaisir et de peine de façon à assurer notre conservation alors qu’elle ne nous fait pas sentir avec autant de force le mal de nos semblables.

« Il ne faut jamais calculer les choses que par la relation qu’elles ont avec notre intérêt »

« Il n’y a aucune proportion raisonnable entre ce qui nous touche et ce qui touche les autres ; nous sentons l’un physiquement, l’autre n’est qu’une impression morale distante. Tout individu rempli de force et de vigueur, doué d’une âme énergiquement organisée saura préférer son plaisir à l’intérêt des autres : car sa jouissance est en lui, elle le flatte ; l’effet du crime ne l’affecte pas, il est hors de lui ; or je demande quel est l’homme raisonnable qui ne préférera pas ce qui le délecte à ce qui lui est étranger ».

Il est dans l’ordre de la nature que chacun se préfère lui-même ( Dans le Traité de la nature humaine, Hume remarquait qu’il n’est pas contraire à l’égoïsme humain de préférer l’anéantissement de l’univers à l’écorchure de son petit doigt !) Puisque chacun est responsable de soi.

La morale vitale est dictée par le plaisir. Si un homme n’éprouve ni la crainte de la loi ni la crainte de l’enfer, rien ne saura le persuader de retenir son plaisir parce qu’un autre en souffre alors même que lui ne sent pas cette souffrance à moins que cet homme n’ait le goût de la bienveillance et de la pitié comme d’autres ont celui de la cruauté. Les sentiments moraux ne font pas exception à la loi du plaisir. Ils sont seulement révélateurs d’un type humain dégénérescent, alangui, alors que d’autres recherchent leur plaisir dans la force y compris dans la manifestation sanglante de cette force.

Libre à certains de trouver du plaisir dans la fraternité et la bienfaisance mais il ne faut pas pour autant condamner ceux qui par nature n’ont pas les mêmes dispositions et « n’éprouvent pas dans ces liens toute la douceur que d’autres y rencontrent  […]  c’est une injustice effrayante que d’exiger des hommes de caractères inégaux qu’ils se plient à des lois égales[…] Il y a telle vertu dont la pratique est impossible à certains hommes comme il y a tel remède qui ne saurait convenir à tel tempérament. Or quel sera le comble de votre injustice si vous frappez de la loi celui auquel il est impossible de se plier à la loi ; ce serait tout aussi absurde que de forcer un aveugle à discerner les couleurs ».

« Je prétends qu’on ne peut [fixer l’âge des partenaires de débauche] sans gêner la liberté de celui qui désire la jouissance d’une fille de tel ou tel âge. Celui qui a le droit de manger le fruit d’un arbre peut assurément le cueillir mûr ou vert suivant les inspirations de son goût. » Dès qu’on accorde le droit à la jouissance, aucune considération portant sur les effets produits par la jouissance n’est recevable. «  Il ne s’agit nullement ici de ce que peut éprouver l’objet condamné à l’assouvissement momentané des désirs de l’autre. Il n’est question dans cet examen que de ce qui convient à celui qui désire ».

Dans un monde où les individus sont libres de satisfaire leur désir aux dépens de leur victime, il est clair que la propriété ne sera plus reconnue comme un droit défendu par la force commune. Le vol par lequel un individu s’empare du bien qu’un autre possédait à l’instant précédant n’est qu’une manifestation vitale du désir et de la force du premier.

De plus, le vol apprend à celui qui est volé à mieux prendre soin de ses biens. Il a aussi pour effet une égalisation des richesses, ce qui est toujours un avantage politique dans une république.

«  je vous demande si elle est bien juste la loi qui ordonne à celui qui n’a rien de respecter celui qui a tout »

La loi qui garantit la propriété et  punit le vol est donc doublement injuste et de toute façon, inefficace ; « nécessité n’a point de loi ». Il faudrait mieux punir l’homme assez négligeant pour se laisser voler. Quant au voleur il n’a fait que suivre le « premier et le plus sage des mouvements de la nature, celui de conserver sa propre existence  aux dépens de n’importe qui ».

 

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